Joséphine Baker, première femme noire au Panthéon

Sixième femme honorée et première femme noire, Joséphine Baker est intronisée au Panthéon ce mardi 30 novembre. Elle a marqué les années 1920 aussi appelées les Années folles en France par ses talents de chanteuse, danseuse et comédienne. Elle est en revanche moins connue en tant que résistante et militante.

Mais qui était réellement Joséphine Baker ?

Danseuse coûte que coûte

Née d’un père blanc et d’une mère noire dans le Missouri aux États-Unis en 1906, son enfance a été marquée par l’absence de son père et la ségrégation raciale. Pourtant, un rêve poursuit Joséphine depuis toute petite : quitter la rue de Saint-Louis où elle a appris à danser pour conquérir la grande avenue de Broadway à New-York. Dans les années 1920, beaucoup d’intellectuels et artistes Afro-américains se réfugiaient à Paris pour fuir la ségrégation. La capitale française incarnait la liberté de penser, de s’exprimer et d’exister. Joséphine Baker y pose ses valises en 1925, pleine d’espoir. Elle remplit les théâtres parisiens dès son premier jour. Séduite et comblée par Paris, elle se marie avec Jean Lion en 1937 et obtient la nationalité française.

Icône du music-hall et résistante

Au début de la Seconde Guerre mondiale, Joséphine Baker soutient la force armée en chantant pour les soldats au front. Mais son naturel engagé et combatif la rattrape, elle s’engage en tant qu’agent du contre-espionnage français dès 1939 : elle cachera même des documents secrets dans ses partitions. La Résistante se verra attribuer la médaille de la Résistance française sept ans plus tard.

Joséphine Baker a deux amours : son pays et Paris. En 1955, elle dénonce le meurtre du jeune homme afro-américain Emmett Till en Europe mais alerte aussi sur le racisme en France. Seulement, ce n’est pas suffisant pour la Résistante qui vit de plus en plus mal de lutter loin de son pays natal.

Elle retourne aux États-Unis en 1961 et assistera deux ans plus tard au discours mythique de Martin Luther King, “I have a dream”. Habituée de la scène, ce n’est pas cette foule immense qui l’impressionne ou l’intimide. Bien au contraire, cette star depuis maintenant 40 ans, vêtue de son uniforme de la France libre s’empare du micro et prononce ces mots : “C’est le plus beau jour de ma vie […] Vous êtes un peuple unifié, enfin”.

La revue nègre : une histoire pas aussi rose qu’on ne l’imagine

Josephine Baker incarne aussi une figure controversée, notamment par la communauté noire américaine qui voit en elle une star superficielle et égocentrique dont la contribution aux droits civiques est questionnable. Et pour cause, celle qui avait fui les États-Unis à cause du racisme a pourtant accepté d’incarner en France une conception de la femme noire qui peut être jugée raciste et coloniale. En effet, lorsqu’elle apparait sur les affiches du spectacle musical de la Revue Nègre en 1925, le public français se désole de cette prestation qui n’est “pas assez nègre”. Même si les salles sont remplies de curieux, la critique est acerbe.

Pour satisfaire les attentes, on lui demande alors de danser seins nus, ornée d’une ceinture de bananes. Avec réticence, Josephine cède et incarne le mythe de la sauvage. On retrouve dans cette nudité forcée une composante sexuelle mais également une volonté de domination. En effet, la France des années 20 et 30 est encore un empire colonial. C’est même le second plus puissant après l’empire britannique.

Pour rappel, en 1931 un zoo humain appelé « Exposition Coloniale » ouvre ses portes au bois de Vincennes. 8 millions de visiteurs se bousculent pour faire « le tour du monde en un jour ». Dans les cages, des individus des différentes colonies déguisés en sauvages sont censés représenter des habitants de pays africains ou asiatiques. Les mentalités de l’époque étaient extrêmement marquées par cet imaginaire colonial. C’est un long travail qui s’impose pour déconstruire ces schémas mentaux, même si cela prend des décennies voire des siècles.

 
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