“Banlieusarde” is the new “Parisienne”
Inès de la Fressange savait-elle que le mythe de la « Parisienne » qu’elle avait créé perdurerait jusqu’aujourd’hui ? Savait-elle que, quarante ans plus tard, ce modèle exclurait un bon nombre de femmes de ce statut ? Dans l’imaginaire collectif du monde entier, ce cliché de la Parisienne séduit tant par son élégance, sa beauté, son corps élancé et mince que par sa peau blanche et sa fragilité.
Pourtant, aujourd’hui dans les rues de Paris, les femmes sont aussi noires, arabes, asiatiques, grosses, handicapées, lesbiennes, voilées, sportives de haut niveau. C’est ce que Rokhaya Diallo nous montre dans son documentaire « La Parisienne démystifiée » sorti début octobre 2021 sur France 3.
Qu’est ce qui pose problème avec le mythe de la parisienne ?
C’est nous, le Grand Paris !
« Pour moi, la parisienne, ce n’était pas du tout l’image de ma mère algérienne »
Et pourtant ! Pour beaucoup de femmes issues de banlieue ou de quartier populaire, ce mythe fait que Paris devient un idéal inaccessible. Sarah Ouarahmoune est d’origine algérienne et boxeuse professionnelle. Elle raconte que Paris, c’était « le beau monde, les belles sorties », mais loin de sa réalité d’Aulnay-sous-Bois dans le 93, là où elle a grandi. Boxeuse française la plus médaillée, elle ne rentrait pas dans le moule de la parisienne frêle et fragile, malgré ses 50kg. La boxe lui a pourtant permis de s’exprimer et de s’assumer malgré son « naturel pudique ».
« Le 13ème arrondissement, c’était mon Paris à moi »
Même constat pour Grace Ly, journaliste et autrice de podcasts. Enfant, elle constate que les personnages de ses livres préférés ne lui ressemblent pas. Grace n’est ni blanche ni riche, elle est issue de l’immigration chinoise et a grandi en banlieue : « Il faudrait construire une Parisienne qui serait… nous toutes ! ». Ce décalage, elle le ressent aussi plus tard quand elle se balade dans les rues de Paris. Alors que les villes des anciennes colonies sont encore imprégnées par la présence de la France, elle affirme « je ne retrouve pas cette histoire dans les rues de Paris ».
« Le féminisme qui prend de la place contraint clairement la vie de plusieurs femmes qui ne s’y retrouvent pas »
Anlya Mustapha, créatrice de contenu, apparait à l’écran aux côtés de Rokhaya, dans un café de Paris. Musulmane et d’origine comorienne, Anlya porte le voile. Après s’être assumée pleinement à Londres, son retour à Paris est plus compliqué.
Elle regrette qu’il y ait au sein du féminisme des clivages et des formes de domination de certaines femmes à l’encontre d’autres. Les questions identitaires n’appartiennent pas uniquement aux descendants de l’immigration, mais elles prennent plus de place si l’on prend en compte les doubles, voire triple cultures. Anlya rappelle que l’injonction du « tu n’es pas » renforce alors la question du « qui-suis-je vraiment ? ».
« Les Parisiennes auxquelles on ne s’attend pas »
L’historienne Emmanuelle Vitaillaud justifie la longévité du mythe de la Parisienne par le fait qu’il corresponde « à un fantasme masculin ». L’idéal d’une femme « sage » perd par ailleurs tout son sens lorsqu’on se penche sur l’histoire de la Révolution Française et que l’on constate que dès 1789, les femmes jouent un rôle crucial. C’est à ce moment-là qu’une image ambivalente des femmes parisiennes voit le jour.
La journaliste Lindsey Tramuta voit un intérêt politique et économique à faire « perdurer cette image non inclusive » de la Parisienne. Les mythes font vendre et attirent les touristes du monde entier qui rêvent de toucher cet idéal du doigt sur les terrasses des cafés comme dans les boutiques parisiennes les plus prisées.